Présentation du
programme de l’émission :
Journaliste :
Caroline Ostermann se lance sur les traces d’un fugitif, Angelo
D’Arcangeli.
C’est un jeune italien que la justice française accuse à
tort,
selon l’avocat et
son intéressé, d’activisme dans un groupe politique proche
des Brigades
Rouges
Reportage :
Angelo : J’ai commencé mon activité politique à l’âge de 14 ans, parce qu’à
l’âge de 14 ans, je suis allé à Padova, une ville d’Italie, à jouer au football
(je suis d’origine de Rome) et là-bas, j’ai rencontré la politique. Et après, à
l’âge de 17 ans-18 ans j’ai commencé à m’engager pour la construction d’un
nouveau Parti
Communiste Italien.
Journaliste : Lui, c’est Angelo D’Arcangeli, et c’est Caroline Ostermann qui
l’a rencontré pour vous. Alors, elle ne pourra pas vous présenter son
reportage, pour des raisons familiales elle ne peut pas être à l’antenne, des
raisons familiales heureuses, je précise. C’est moi donc qui vais lire tout
bêtement le papier qu’elle m’a laissé. Ca commence comme ça : Angelo
D’Arcangeli, je vous traduis ça veut dire « Ange D’Arcange », hein, faut
s’appeler comme ça quand même... Angelo D’Arcangeli, un jeune Italien de 21 ans
a été arrêté le 19 juillet dernier à Paris par la Division Nationale
Anti-terroriste. Il est soupsonné par le juge Thiel de faire partie d’un groupe
terroriste proche des Brigades Rouges italiennes. En fait, les policiers n’ont
rien trouvé d’illégal au domincile du jeune homme, ni armes, ni plans
meurtriers. Il demeure cependant, après quatre mois d’incarcération, sous
contrôle judiciaire. Ca veut dire qu’il a été remis en liberté. Mais que
reproche la justice
française à ce militant d’extrême-gauche ? Elle lui reproche d’avoir aidé en
France deux membres du (nouveau)Parti communiste Italien, lequels ont été
accusés d’avoir participé à des attentats meurtriers. Or, la justice italienne
les a blanchi, mais ils restent la cible des autorités. C’est pourquoi ils sont
venus chez nous, clandestinement, munis de faux-papiers. Angelo D’Arcangeli et
ses amis s’estiment victimes de persécutions de la part des autorités
françaises et italiennes. Ils se demandent, et ils s’interrogent, ils se
demandent en somme si la France ne collaborerait pas avec Berlusconi, lequel
profiterait des lois anti-terroristes pour réprimer toute opposition politique.
C’est une grave question, que Caroline Ostermann tente de résoudre comme elle
peut, avec
l’intéressé, Angelo D’Arcangeli, sa femme, et son avocat.
Angelo : Mon arrestation a été faite le 19 juillet 2005, par la Division
Nationale Anti-terroriste. Je me trouvais à la maison d’une amie, ils sont
arrivés à six heures du matin, ils ont cassé la porte, ils m’ont menotté, et
j’étais par terre. La première chose qu’ils m’ont dite, ils m’ont mis le
flingue sur la
tête et ils ont crié : objectif trouvé !
Elise : Alors moi je suis Elise, une amie d’Angelo. Je n’ai pas assisté à son
arrestation, puisque je suis partie donc à six heures moins dix, dix minutes
avant l’arrivée des policiers, j’en ai été informée par mes colocataires. Ils
étaient six je crois, certains portaient des armes, d’autres des gilets
pare-balles, des lampes-torches à la main, ils ont fouillé tout l’appartement,
en criant : Police ! Police ! Il est où Angelo, il est où Angelo ? Ils ont
menotté tout le monde et ils ont fait une perquisition avec Angelo, et Angelo
est parti avec
eux.
Henri de Beauregard (avocat) : Globalement, ce qui lui est reproché, c’est
d’avoir été proche de deux figures de l’extrême-gauche italienne qui vivaient
en France dans une forme de clandestinité. J’espère que ce n’est pas ça qu’on
lui reproche aujourd’hui sous l’appellation fourre-tout et dont chacun sait
qu’elle est fourre-tout et c’est en ça qu’elle est dangereuse, d’association de
malfaiteurs en vue de commettre des actes de terrorisme. En réalité, je crois
que la procédure dont il est l’objet est la conséquence de son attachement à
l’une ou l’autre des figures historiques de l’extrême-gauche italienne, mais je
suis toujours un peu confus et un peu consterné de voir et d’avoir la sensation
que la France, et la justice française, s’associent à une forme de cabale
judiciaire d’abord contre ces dites figures historiques, et plus encore contre
ce jeune garçon de 21 ans, qui n’a rien fait d’autre que d’être proche et
d’être un peu admiratif à l’égard de ceux qui pourraient être ses
grands-pères, qui ont une soixantaine d’années et qui font preuve d’un
idéalisme politique communiste ancienne mode, dont chacun peut penser ce qu’il
veut.
Journaliste 1 : Donc, on vous a arrêté, ici en France, le motif exact
c’était...
Angelo : association de malfaiteurs avec finalité de terrorisme. Et pour ce
motif j’ai passé quatre mois de prison à Fresnes, dans une situation de total
isolement de l’extérieur. Par exemple, le juge a bloqué tout le courrier, et
j’ai eu la possibilité de parler avec mon avocat seulement à la fin de la garde
à vue. Ma cellule était perquisitionnée une fois par semaine. Dans la
promenade, toutes les choses que je disais étaient enregistrées. L’objectif
était de me faire pression, pour me faire, je ne sais pas, balancer quelqu’un
et en même
temps pour me faire abandonner l’activité politique.
Elise : cette arrestation, et ces quatre mois de détention qu’Angelo a fait,
quatre mois c’est énorme, et c’est pas encore fini, il est pas encore
totalement libéré, il est sous astreinte judiciaire, ça me paraît complètement
absurde, et complètement déplacé par rapport à ce qu’il a fait, puisque son
crime étant d’être un militant politique, proche d’une organisation qui est
certes clandestine, mais pas du tout illégale, et certainement pas terroriste
au sens de semer et répandre la terreur... C’est une organisation qui est très
théorique, très idéologique. C’est à dire que ce sont des intellectuels, qui
produisent des textes et qui les rendent publics, à des fins de propagande,
tout simplement pour se faire connaître et pour faire connaître leurs idées. Et
dans tous les textes il y a cette idéologie marxiste-léniniste qui est
développée, de construire le parti, etc. Il était conscient des risques qu’il
prenait en venant en France. Il a quitté... Il a quitté sa famille, son pays,
pour s’engager totalement, dans une nouvelle vie intellectuelle à
l’université, et dans cette... pour se rapprocher de cette organisation, et
c’est vraiment beau. Parce que c’est de plus en plus rare. Après, ce n’est pas
un secret que je suis en désaccord idéologique profond avec eux et avec lui,
mais après je respecte vraiment cette détermination qu’il a, et cette énergie
qu’il met dans
son idée de changer le monde, et de révolutionner le
monde.
Journaliste 1 : Quelles sont les idées que vous défendez, précisement ? Donc
vous parlez effectivement de nouveau parti communiste, mais quel est votre
programme,
concrètement ?
Angelo : Notre programme est d’instaurer le socialisme en Italie. Il est donc
nécessaire
aussi une révolution armée, nous sommes sûrs de
ça.
Angelo : Pour la révolution armée, bien sûr. Donc nous travaillons pour
préparer cette chose. La différence entre nous et les Brigades Rouges est que
les Brigades Rouges pensent qu’il est possible de faire la révolution avec des
petits groupes qui font des actions armées. Nous pensons qu’il n’est pas
possible de faire la révolution comme ça, nous pensons qu’il est nécessaire que
la révolution armée doit être de masse. Nous sommes pour la dictature du
prolétariat. Nous sommes maoïstes. Pour moi, c’est une victoire sociale, une
victoire que moi aussi, comme toutes les personnes, j’ai besoin. Parce que
continuer à vivre dans une société comme ça, ce n’est pas possible, en
pratique. Pour moi, pour un jeune de 21 ans, penser à un futur, penser de faire
une famille, penser d’avoir un travail, tout ça, c’est toujours plus difficile.
Pour nous,
l’unique société meilleure c’est le socialisme.
Angelo : En France. Mais en effet, la chose intéressante, c’est que l’Italie
n’a jamais demandé l’extradition pour les militants du (nouveau)Parti
Communiste Italien ou pour moi. Elle n’a jamais demandé l’extradition. Cela
démontre aussi qu’il n’existe pas des éléments concrets qui démontrent des
actions
terroristes.
Journaliste 1 : Comment expliquez-vous que votre engagement politique dérange
tellement le
parti de Berlusconi ?
Angelo : Alors, en Italie, oui, se développe une persécution très forte
contre tous les mouvements d’extrême-gauche mais aussi les mouvements des
étudiants et le mouvement syndical. Avec Berlusconi cette répression s’est
développée beaucoup. Presque toutes les organisations d’extrême-gauche se
trouvent dans une enquête pour terrorisme. Maintenant, avec Berlusconi, mais
aussi avec Sarkozy en France se développe un mécanisme qui va réprimer
l’intention, le
projet politique, l’idée, pas l’action.
Elise : Vous avez vu le film « Minority Report » ? C’est ça, c’est juger les
intentions de commettre des crimes, j’appelle pas... Non, c’est pas du
terrorisme. L’explication à trouver à cet acharnement de la justice française
contre lui, peut-être qu’il y a là une volonté cette fois-ci politique de la
France de prendre la révolte à la source, pour plus tard élever des moutons
bien disciplinés. Et peut-être que ce qui gêne aussi chez Angelo, c’est le fait
qu’il soit si jeune, si déterminé, si fougueux. La France, depuis 68, Mai 68,
elle a un peu peur de ses étudiants, de ce qui peut constituer le début d’une
révolte de la jeunesse. Peut-être qu’elle est particulièrement attentive à sa
jeunesse et à
ne pas répéter un scénario catastrophe.
Elise : Angelo a cet engagement total et complet que l’on retrouve que dans
les romans, dans les personnages romantiques, et romanesques. Je le vois de
l’extérieur, et c’est ce que ça m’évoque. Mais sinon, son engagement est
concret, réel
et déterminé, réfléchi, et admirable aussi
pour ça.