Elections législatives
palestiniennes : le choix de la résistance
Avec plus de 77% de votants aux élections législatives
palestiniennes, dans le cadre des territoires de l’Autorité
palestinienne, le peuple palestinien a montré au monde entier
qu’il est un peuple vif, résistant, animé d’un esprit
démocratique élevé. Ce qui est en contradiction
avec l’image misérabiliste largement diffusée par les
“amis” du peuple palestinien, affirmant qu’il est fatigué,
affamé, qu’il accepterait n’importe quoi pour pouvoir juste se
nourrir et travailler, image qui servait surtout à cautionner
les reculs et la fatigue des militants européens.
Ce qui est aussi en contradiction avec les sondages qui n’en
finissaient plus, sondages réalisés plus pour influer sur
le vote que pour exprimer les volontés de vote (mais c’est le
propre du sondage), pour dire que le peuple palestinien était
fatigué de l’Intifada, de la lutte, qu’il voulait la paix avec
les Israéliens. Mais le peuple palestinien, dans la bande de
Gaza et en Cisjordanie, a prouvé qu’il n’a pas perdu, ni de sa
vigueur ni de sa volonté à résister à
l’occupation, malgré les pertes douloureuses occasionnées
par l’invasion israélienne, la réoccupation des
territoires, l’emprisonnement de ses cadres et de sa jeunesse et les
assassinats.
Rien que le simple fait de participer aux élections, avec ce
taux important, est une gifle à tous les donneurs de leçon sur la
démocratie dans le monde et à tous ceux qui
pariant sur sa “fatigue”, ont pronostiqué une victoire de
l’équipe au pouvoir.
76 sièges au conseil législatif palestinien pour le
Hamas, 43 sièges pour le Fateh, 3 pour le Front Populaire de
libération de la Palestine, chacune des autres listes 2
sièges et 4 sièges pour les indépendants : c’est
la composition du nouveau conseil législatif palestinien. Des
prisonniers ont été élus, dont un membre du Hamas
à Naplouse, qui a mené sa campagne électorale sous
la tente “Abdel Aziz Rantissi” dans la prison du Naqab. * La victoire du Hamas est une
victoire de la ligne de la résistance. C’est aussi la
victoire de ceux qui ont voulu sanctionner la corruption dans
l’Autorité et ses responsables. La victoire du Hamas est une
défaite de la politique israélienne et des alliés
des Israéliens, comme les Etats-Unis et l’Union
européenne. C’est également une défaite des
services de renseignements israéliens qui, aujourd’hui
même, commencent à s’inquiéter parce que leurs
renseignements étaient faux ou incomplets.
Parions que des purges au sein de ces services ne vont pas tarder. Malgré les menaces des
Etats-Unis et de l’Union européenne, le peuple palestinien a
voté en majorité pour le Hamas, voulant par
là adresser un message à ces forces impériales
qui, non seulement n’ont rien fait pour soutenir la juste lutte du
peuple palestinien contre l’occupation, mais ont participé
activement à le faire assassiner, à coloniser sa terre,
et l’ont menacé de sanctions s’il votait pour le Hamas.
Voilà, c’est fait, il l’a fait, malgré leurs menaces. Ces élections sont
également une bonne leçon pour le Fateh, qui n’a
pas su gérer démocratiquement ses primaires. Les
candidats furent imposés par l’Autorité, alors que dans
plusieurs villes, Naplouse, Bethlehem, Jénine, par exemple,
d’autres candidats étaient promus par la base. Les
quelques membres du Fateh qui ont essayé d’être candidats
indépendants ont été combattus par leur propre
direction. Est-ce que le Fateh va-t-il comprendre la leçon ?
Certains ont voulu expliquer les divergences au sein du Fateh par les
divergences entre les jeunes et les vieux, ou entre l’intérieur
(les cadres et militants restés dans les territoires
occupés) et l’extérieur (ceux qui sont venus après
Oslo), alors que les critères de la crise traversant le
mouvement sont plutôt les concessions faites aux sionistes
(l’initiative de Genève, entre autres) et la corruption. Ces élections sont
également une bonne leçon pour les régimes arabes,
ou plutôt une menace. Une fois encore, le peuple
palestinien représente le modèle pour les peuples arabes.
Malgré tous ses défauts, l’Autorité palestinienne
a réussi cette belle leçon de démocratie qu’aucun
pays arabe n’a su pratiquer : laisser le libre choix au peuple,
même si son choix met en minorité le pouvoir. Et quand on
laisse le peuple choisir, c’est la voie de la lutte et de la
résistance qui se dégage.
En votant massivement pour le Hamas, le peuple palestinien a
voté pour la résistance, et contre la corruption. Ce sont
les deux dossiers que le Hamas et d’autres forces de l’opposition ont
mis en avant : les concessions sans fin de l’Autorité
palestinienne aux autorités sionistes, le manque de perspectives
de lutte contre l’occupation, la répression des militants et
forces politiques résistantes, et surtout la corruption des
divers appareils de l’Autorité, sans parler des malversations de
plusieurs responsables, haut placés, en liaison avec les
appareils israéliens.
Les défis auxquels le Hamas devra faire face sont cependant
importants : comment gérer des territoires “autonomes”,
c’est-à-dire contrôlés par les forces de
l’occupation, avec un semblant d’autonomie interne ? Peut-on
administrer la vie quotidienne, sous occupation, sans “se mouiller”
avec les appareils de l’occupation? Le Hamas devra-t-il, comme
beaucoup l’espèrent en Occident, et notamment parmi les “amis”
du peuple palestinien, revenir sur sa charte, comme ont dû le
faire plusieurs mouvements palestiniens avant lui, pour pouvoir
gérer les territoires ? Plusieurs déclarations
contradictoires des responsables du Hamas, avant les élections,
font penser aux déclarations des responsables du Fateh avant les
accords d’Oslo : pendant que les uns proclamaient la poursuite de la
lutte armée, d’autres serraient la main aux Israéliens et
aux Américains. La politique du Hamas pourra-t-elle être
plus transparente, au moins pour le peuple, que celle du Fateh ?
Quelques jours avant les élections, nous avons vu
apparaître des phrases telles que : “les forces qui promettent de
tout changer mentent”.
Effectivement, ni le Hamas, ni le Fateh, ni aucune force politique
palestinienne ne peut renverser la situation, d’un coup de baguette
magique. Effectivement, le Hamas doit
gérer une situation intenable, une occupation, des barrages, des
arrestations et des assassinats, mais aussi des pressions
internationales, américaines et européennes, sans parler
des pressions arabes. Quelle sera la marge de manoeuvre du Hamas ou de
tout gouvernement d’unité nationale, par rapport à celle
du Fateh ?
Il faudra plusieurs mois pour voir comment le nouveau gouvernement va
gérer des territoires occupés, comment il fera avec les
contraintes imposées par Oslo. Va-t-il les briser ? Va-t-il
organiser le peuple pour l’aider à résister ? Ou
plutôt va-t-il lui donner les moyens de s’organiser pour faire
face à la colonisation et l’occupation ? Va-t-il
réclamer, plus vigoureusement, avec la pression populaire, la
libération des 9000 prisonniers ? Ce ne sont pas
évidemment les préoccupations de ceux qui menacent le
peuple palestinien pour son choix. Au contraire, les menaces portent
sur la reconnaissance de l’Etat d’Israël, les négociations,
la soumission au diktat américano-sioniste, comme si le
problème était chez les Palestiniens et non dans
l’occupation.
Bien que le conseil législatif soit issu de l’Autorité
palestinienne et que l’Autorité palestinienne gère
uniquement la Cisjordanie avec la ville d’al-Quds et la bande de Gaza,
le nouveau gouvernement devrait se positionner sur le statut de l’OLP. Car, depuis l’instauration de
l’Autorité palestinienne, l’OLP a été
écartée, puisque les présidents du comité
exécutif de l’OLP, Yasser Arafat, puis Mahmoud Abbas, cumulaient
la direction de l’Autorité et de l’OLP. Le Hamas, lui, qui n’est
pas encore membre de l’OLP, va-t-il favoriser la séparation des
deux institutions, et permettre à l’OLP de remplir à
nouveau son rôle, en tant que représentant de tout le
peuple palestinien, qu’il se trouve en exil, en Palestine 48 et dans
les territoires de 67 ? C’est à ce niveau que le Hamas aurait un
rôle important à jouer, en favorisant la
ré-émergence de cette institution, qui pourra impulser
l’action du peuple palestinien au-delà des territoires
occupés en 67, avec notamment l’enterrement de l’initiative de
Genève, l’enterrement de la “feuille de route” et la
réclamation sur le plan international du droit au retour des
réfugiés.
C’est en s’appuyant sur l’ensemble du peuple palestinien et ses
revendications nationales, en revenant sur les constantes nationales
tant proclamées mais très vite enterrées, que le
nouveau gouvernement de l’Autorité pourra sortir de l’impasse
d’Olso et de la feuille de route et reprendre la voie de la lutte de
libération.
Rédaction Centre d’Information
sur la Résistance en Palestine
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Bargouthi Marwan pour le Fatah, Ahmed Sa’adat pour le FPLP
entre autres, le premier détenu par le régime sioniste de
l’occupant, le second par l’autorité palestinienne à
Jéricho.